A la recherche des " JEULIN "…

Quand on cherche les "Jeulin", on ne met pas longtemps à les trouver ... entre Chartres, Orléans et Paris. La dernière interrogation de l'ordinateur du centre Georges Pompidou, visualisant les concentrations de patronymes sur la France, est très claire à ce sujet. A bien y regarder cette localisation n'a guère bougé depuis bientôt mille ans !

Le vestige le plus visible de l'époque médiévale est cette petite localité de Moinville-la-Jeulin située dans le canton d'Auneau non loin de Chartres, localité tout à fait inconnue du grand public mais qui risqua, hélas, de connaître les feux de l'actualité si le projet de troisième grand aéroport parisien avait vu le jour en plein milieu des champs séparant Moinville de Santeuil ... "O tempora, o mores !".

Par chance pour nous, différents "érudits" se sont penchés sur le canton d'Auneau.

Un des ouvrages qui a retenu notre attention est "L'origine des toponymes en Eure et Loir" de l'abbé Gillette. Cette étude présente des informations et suppositions intéressantes mais aussi quelques erreurs. L'abbé Gillette associe Moinville-la-Jeulin et un certain Jeulin d'Auneau vivant au XIIe siècle. Or il s'avère qu'à l'époque du dit Jeulin d'Auneau, notre Moinville ne dépend pas de la juridiction donc de la possession de la seigneurie d'Auneau, mais est une seigneurie à part entière, avec à sa tête un Jeulin de Moinville, fidèle du Comte Etienne-Henri (de Chartres).

Le blason retrouvé à Moinville dans l'église datant du XIIème siècle, ainsi que sur l'imposte de la porte d'entrée de la ferme voisine, est d'ailleurs fort différent de celui d'Auneau, bien que graphiquement lié par ce que nous pouvons prendre pour une véritable brisure héraldique, celui d'Auneau étant "d'or à cinq cotices de gueule", celui de Moinville semblant être le même vu avec un miroir en son plan médian vertical : cinq chevronnels (de couleurs inconnues). Cette brisure, si elle se confirme, prouve-t-elle un lien de parenté ?

Un mystère reste entier : pourquoi le patronyme de "Jeulin" est-il resté associé à Moinville pendant des siècles alors que le fils de notre Jeulin de Moinville s'appelait Guillaume, contrairement à d'autres seigneuries ou le même "nom-prénom" se passait de père en fils et donc gagnait une certaine pérennité, la dissociation du "nomem" et du "praenomen" n’existant pas encore à l'époque.

Il n'y a pas, au jour d'aujourd'hui, de lignée de Jeulin connue sur Moinville.

Ce Jeulin d'Auneau va pourtant nous apporter bien des informations. Dans une charte du XIIe siècle, son nom sera écrit sous les trois formes : gothique, latine et française, Jeulin d'Aunel, dans le texte, ce qui fait sans doute de "Jeulin" un des plus vieux noms de France. Les autres variantes employées étant Jocelinus de Alnéolo, qui donnera la graphie "Joscelin" et la germanique "Goslein".

Ce Jeulin d'Auneau nous renvoie aussi (liens familiaux) à une très grande et très puissante famille locale : les Jeulin de Lèves, de la localité de Lèves, pont fortifié (pont-levis) protégeant Chartres en contrôlant le passage de l’Eure. Cette famille de Lèves connaîtra jusqu'à une demi-douzaine de "Goslein" en chef de maison dont un qui sera évêque de la cité des Carnutes. Des "Goslein de Lèves" seront signalés jusqu'à Jérusalem.

Dans la maison d'Auneau, Guy sera le nom des aînés, celui de Jeulin toujours celui du puîné, notre Jeulin d'Auneau étant soit un puîné avec un aîné décédé soit l'exception à la règle.

Le blason des Lèves est un lion, symbole de la protection, avec une double queue ! Ce petit détail héraldique est, à bien y regarder, une particularité portée également par la famille suédoise des Wasa (famille royale de Scanie) ainsi que par les princes de Bohème et du Luxembourg (principautés liées à une certaine époque).

"Jeulin" serait il un nom de mode germanique comme le suppose l'abbé Villette ou un nom vraiment gothique ?

Les Goths viennent, doit-on le rappeler, de Suède en passant par l'Europe centrale...

Ces "Jeulin" seraient-ils venus en Francie après la séparation de l'empire de Charlemagne dans les bagages de celui qui allait prendre le trône de France, comme bon nombre de fidèles sûrs appelés par lui ?

Pour finir, le lien entre ces familles médiévales très puissantes, souvent associées par le mariage à la couronne de France et à celle d'Angleterre et les premiers "Jeulin" répertoriés dans notre généalogie se situe à Ingré, cité proche d'Orléans, berceau moderne de la famille.

Ingré dépendait au Moyen Age directement du Chapitre de Chartres, dont un des membres était un des frères de notre Jeulin d'Auneau et dont le cousin issu de germain à la deuxième génération n'était rien d'autre que l'évêque lui-même (Joscelin IV) !

Malheureusement aucun "Jeulin" à notre connaissance ne sera bailli d'Ingré ce qui aurait pu expliquer une souche "orléanaise officielle"... Souche qui s'est sans doute faite pour d'autres raisons.

Une des nombreuses pistes intéressantes restant à explorer étant celle d'un Jeulin, garde du corps de Louis XV qui avait, en son temps, épousé Rose de Valleaux, issue d'une noble famille et dont la propre fille a épousé à son tour un noble du Perche (le Perche et le Dunois, région est de Chartres, étant contigus). S'agit-il là d'une continuité dans la noblesse locale..?

Beaucoup de choses restent, bien entendu, à découvrir et l'histoire ne fait que commencer !

Yves-Michel JEULIN